En thérapie brève orientée solutions le « client » est perçu comme compétent et responsable, capable d’imaginer les changements souhaités et de s’appuyer sur ses ressources, c’est-à-dire sur les moments où il a su faire, où le problème ne l’affectait pas.
La thérapie brève orientée solutions est particulièrement pertinente pour les enfants car ils ont un imaginaire développé, et leur personnalité en cours de construction est flexible. Ils sont généralement créatifs et en mesure de vivre lors d’une séance, l’expérience de leur solution.
Le thérapeute utilise différentes techniques pour aider l’enfant à expérimenter les comportements positifs ou les solutions qui forment les bases d’une nouvelle pensée. Le processus de la thérapie orientée solutions comporte plusieurs éléments importants qui sont conçus pour susciter des changements positifs (DeJong et Berg, 2002) :
- Déterminer l’objectif
- La question miracle
- Les exceptions
- Les échelles
- Feedback : le « message solution »
- Séances suivante
1) Définir l’objectif
La première et la plus importante étape du processus consiste à définir avec l’enfant un objectif clair et concret qui correspond à ses besoins individuels.
Il s’agit de définir un objectif qui inclue les comportements souhaités comme un moyen d’aider l’enfant à imaginer et à expérimenter au cours de la séance ce qui est possible pour lui.
L’objectif doit être concret et axés sur les comportements positifs que l’enfant souhaite expérimenter, plutôt que sur l’absence du « symptôme » ou des comportements à éviter.
La définition et l’articulation de l’objectifs est une étape importante en ce qu’elle constitue la base de l’ensemble du processus orienté solutions. L’identification d’un objectif clair est essentiel pour obtenir de bons résultats.
Lors de cette première étape, l’objectif de l’enfant est énoncé avec lui, par exemple : mieux s’entendre avec ses copains, faire ses devoirs, se sentir mieux dans son entourage familial… Il doit être concret, formulé positivement et mesurable. Ce qui importe, c’est que l’enfant souhaite que cet objectif se réalise.
Il est essentiel que les objectifs soient pertinents, significatifs et spécifiques à la situation de l’enfant. Plus l’objectif est concret, spécifique, et mesurable, plus il y a de potentiel pour progresser vers la solution.
Voici quelques exemples :
- Un enfant handicapé pourrait souhaiter faire face plus efficacement à son handicap. Le but est alors de savoir ce que l’enfant pourrait faire, ce qui constituerait la preuve d’une adaptation plus efficace.
- Un enfant qui a des antécédents de maltraitance peut avoir des sentiments de culpabilité ou d’inutilité. L’objectif sera alors de définir les choses spécifiques que l’enfant ferait, qui indiqueraient que sa vie est meilleure et plus positive.
- Pour un enfant ayant du mal à gérer ses émotions ou sa colère, l’objectif peut être ce que l’enfant ferait de différent si la colère n’était pas présente.
Pour aider l’enfant à formuler son objectif, on peut poser les questions de la manière suivante :
- « Qu’est-ce qui t’amène ici aujourd’hui ? »
- « Que doit-il se passer pour que tu n’aies plus besoin de venir me voir ? »
- « Que voudrais-tu faire, qui serait un signe pour dire que les choses vont mieux ? »
- « S’il y avait quelque chose sur lequel nous pourrions travailler ensemble qui t’aiderait à te sentir différent, ce serait quoi ? »
- « Si tu n’étais pas…, que ferais-tu à la place ? »
Pour cette étape, il est important d’aider l’enfant à avoir une image claire de l’objectif avec autant de détails que possible. Si l’enfant parvient à visualiser son objectif, il devient plus probable qu’il puisse l’atteindre.
Dessiner, ou jouer l’objectif
Le dessin ou le jeu sont d’excellents outils pour aider les enfants à se faire une idée de ce qui se passe dans leur vie et ce qu’ils feraient qui indiquerait que les choses vont mieux. Il est important de permettre à l’enfant de faire d’abord un dessin de sa vision du monde. Cette activité facilite le rapport et engage immédiatement l’enfant dans le processus.
Le thérapeute et l’enfant s’efforcent ensuite de fixer un objectif pour la séance. Le thérapeute peut par exemple commencer la séance en disant en demandant à l’enfant de dessiner une image de ce dont il aimerait parler.
- « Dessine une image de ce qui se passe en ce moment »
- « Dessine une image de quelque chose que tu aimerais changer » ou « Comment aimerais-tu rendre ce monde un peu meilleur? » ou « Dessine ce que tu aimerais qui soit différent dans ton monde. »
Utilisation de marionnettes
Les marionnettes favorisent le jeu de rôle dans les séances et sont particulièrement efficaces avec les jeunes enfants.
Les problèmes de comportement et d’apprentissage qui amènent l’enfant à la thérapie sont parfois le résultat de problèmes sous-jacents : un divorce, un décès, une maladie grave ou des mauvais traitements. Et beaucoup de jeunes enfants ont du mal à discuter de leurs difficultés. Il leur est souvent plus facile de jouer ce qu’ils ne peuvent pas verbaliser.
Les marionnettes sont un bon support pour cela. Elles sont particulièrement utiles dans cette première étape de la définition de l’objectif. Par le jeu, l’enfant expérimente de nouvelles compétences avec le thérapeute qui valorise ses progrès.
On peut par exemple utiliser des marqueurs pour dessiner un visage sur sa marionnette qui représentait ce qu’elle ressentait à ce moment-là. Le thérapeute peut ensuite demander ce qu’elle ferait si elle n’était plus dans la même émotion. Ces nouveaux comportements sont devenus l’objectif de la séance.
2) La question miracle
Avec la question miracle, il ne s’agit pas de minimiser les problèmes complexes que l’enfant peut rencontrer. Une fois l’objectif déterminé, la question miracle aide l’enfant à imaginer en quoi la vie serait différente si l’objectif était atteint, même partiellement.
On demande à l’enfant d’imaginer qu’en dormant, un miracle se produit et que le problème qu’il éprouve a disparu. Le thérapeute pose des questions pour aider à clarifier à quoi ressemble ce tableau miracle, ce qui est différent et ce que l’entourage remarquerait qui indiquerait que le miracle s’est produit. Parfois les enfants souhaitent un miracle impossible à obtenir. Bien qu’il soit dans ce cas important d’affirmer et de valider le souhait de l’enfant, la question miracle est liée à l’objectif de ce que l’enfant ferait différemment s’il se sent mieux et si le symptôme n’était plus là. La question miracle peut être formulée de la manière suivante :
- « Imagine qu’un miracle arrive pendant que tu dors et que lorsque tu te réveilles demain matin, le problème qui t’a amené ici aujourd’hui a été résolu par magie, quelle est la première petite chose que tu remarques qui te dit que ce miracle s’est produit? »
Des questions sur ce que perçoit l’enfant et l’entourage aident à clarifier et à étendre le miracle.
- « Que fais-tu de différent maintenant que le miracle a eu lieu ? »
- « Comment ta mère ou ton entourage réagissent-ils ? »
- « Imagines-toi la semaine prochaine, le mois prochain… quels sont les signes qui te disent que le miracle s’est produit, que les choses sont différentes, encore mieux? »
Il est important de fournir autant de détails que possible sur le miracle. Encore une fois, plus l’enfant peut imaginer à quoi ressemblent ces sentiments positifs et ces nouveaux comportements, plus il est probable que le changement puisse avoir lieu.
Utiliser le dessin pour la question miracle
Pour faciliter la question miracle, le thérapeute demande :
« Dessinons une image de ton miracle. Cela peut être un grand miracle ou un petit miracle, ça t’appartient »
« Fais un dessin de ce qui serait un miracle pour toi ; même si ce n’est qu’un tout petit peu. »
Utilisation de marionnettes pour la question miracle :
Les marionnettes peuvent être utilisées pour jouer le miracle ; le thérapeute utilise une marionnette magicien qui agite une baguette magique pour que le miracle se produise. Les marionnettes sont également utilisées pour mettre en scène des exemples de réalisation du miracle.
3) La question des exceptions
Les exceptions correspondent aux expériences où l’enfant a connu un «peu» du tableau miracle , les moments dans le passé où le problème qui a amené l’enfant à la thérapie ne s’est pas produit. Elles permettent de décrire les expériences où l’enfant a connu une partie de l’objectif.
Lorsque les enfants se souviennent des situations où le problème n’existait pas, ils découvrent en détail comment ils ont évité le problème, ce qui fournit une feuille de route pour les solutions, le succès et l’autonomisation.
Il est important d’explorer au moins deux ou trois exceptions pour rappeler subtilement à l’enfant que le succès passé peut se répéter dans le présent et dans le futur. Le thérapeute peut exploiter ces exception par exemple de la manière suivante :
- « Waouh, tu as pu contrôler ta colère à ce moment-là et rester calme. Je me demande comment tu as su faire ça? »
- « Waouh, tu as fait tes devoirs ce jour-là. Je me demande comment tu as fait ça? Il y a eu tellement de fois où tu n’as pas fait tes devoirs. Qu’est-ce qui était différent à ce moment-là ? »
Très souvent, les enfants ne savent pas apprécier leurs réussite du passé. Ils ont tendance à minimiser ou à ignorer l’importance de leurs réussite (DeJong et Berg, 2002). Quel que soit l’objectif, ils en attribuent souvent le mérite aux autres (« Le professeur m’a dit que je devais le faire… »). Une réponse efficace consiste à leur rappeler qu’ils ne font pas toujours ce que leur mère ou leur enseignant dit :
- « Qu’est-ce qui était différent à cette époque? »
Avec cette conscience de soi positive, l’enfant commence à identifier et à accéder à un espace de contrôle interne et commence ainsi à assumer la responsabilité de son propre comportement à l’avenir.
Utiliser le dessin pour la question des exceptions
« Dessinons une image d’un moment où tu as eu un petit morceau du miracle. »
Le thérapeute suggère de se souvenir d’occasions similaires où les choses étaient mieux pour traiter avec lui ce qui était différent. Il demande comment l’enfant avait réussi à faire dans ces moments. Cela permet aussi de projeter possibilités de comportements que l’enfant pourrait utiliser à l’avenir pour l’aider à vivre cette expérience. L’enfant peut ainsi s’apercevoir qu’il avait le contrôle de ses émotions.
Utilisation de marionnettes pour la question des exceptions
Le thérapeute peut jouer avec l’enfant les exceptions ou des moments de réussite pour que certains de ses miracles se produisent. L’enfant peut ainsi se reconnecter à des souvenirs où le miracle a déjà eu lieu.
4) Les échelles
Le thérapeute propose à l’enfant une échelle de 1 à 10, pour évaluer ses succès, 1 signifiant «pas de succès» et 10 signifiant «succès complet» dans l’ atteinte de son objectif.
Le thérapeute reprend la réponse et demande pourquoi le nombre est ce qu’il est et pourquoi il n’est pas inférieur. Encore une fois, ce processus permet subtilement à l’enfant de voir la vie de manière plus positive.
On représenter pour l’enfant les échelles à l’aide de 10 dessins de visages qui vont de celui qui a l’air extrêmement en colère à celui qui a l’air extrêmement heureux. Cela donne une représentation visuelle de la question des échelles :
« Sur une échelle de 1 à 10, 1 étant le pire et 10 le meilleur, à combien étais-tu le jour où le miracle s’est déjà produit? »
- La mise à l’échelle est une activité qui donne le ton au nouveau processus d’apprentissage de l’enfant qui est actif, spontané, détendu, participatif et amusant. Une fois que l’enfant a identifié un nombre sur l’échelle, le thérapeute peut demander:
«Waouh! Comment est-ce un [le numéro identifié sur l’échelle] et non un [un chiffre inférieur] ? »
« Waouh, comment savais-tu que c’était mieux? »
« Maintenant, que dois-tu faire pour obtenir un [un chiffre plus élevé]? »
Utiliser le dessin pour les échelles
L’enfant dessine une image de lui par exemple à 5 sur son échelle. Le thérapeute demande de dessiner une image d’un 6. Parler ensuite de ce qui est différent et des nouvelles compétences que l’enfant utilise pour progresser plus haut sur son échelle. Le thérapeute et l’enfant notent tous les obstacles à l’amélioration de l’échelle. L’enfant peut alors dessiner une image de tout obstacle potentiel et des solutions possibles.
Utilisation de marionnettes pour les échelles
La marionnette est invitée à prendre un marqueur et à encercler le visage sur la feuille d’échelle qui représente l’endroit où elle se trouvait lors de la réalisation de son miracle. La marionnette de l’enfant est invitée à expliquer la raison de sa cote, en lien avec des comportements concrets. À l’aide de sa marionnette, l’enfant peut décrire ce qu’elle ferait de mieux et ce que ferait son entourage de différent.
5) Feedback : le « message solution »
La dernière étape du processus de la thérapie orientée solutions consiste à formaliser la solution, féliciter et prescrire une tâche thérapeutique.
Elle permet de marquer les efforts de l’enfant et les avancées en fin de séance, de lui rappeler ses succès passés et de chercher des moyens de monter d’un cran sur son échelle. Le thérapeute prépare un « message solution » à transmettre à l’enfant pour lui rappeler la séance et lui offrir des opportunités de progrès. Ce message est important en tant que représentation visuelle du processus et devient la base de la prochaine séance.
Il s’agit d’un résumé écrit concret de la séance que l’enfant peut ramener à la maison comme représentation visuelle de ses efforts pour trouver une solution. Ce message est écrit en présence de l’enfant avec sa participation. Le « message solution » se compose de trois parties : les crédits, le pont et la tâche de solution.
Les crédits correspondent à un ensemble de remarques et de compliments servent à valoriser les efforts de l’enfant pour participer à la séance de thérapie par le jeu. L’enfant est reconnu pour avoir participé au processus, félicité d’avoir su parler de ce qui se passe dans sa vie, de ses réussites du passé, relevés dans les exceptions. Le thérapeute fournit une liste écrite de tous ces points positifs pour l’enfant.
Le pont est la connexion entre les crédits et la tâche de solution. Le thérapeute indique sur le pont l’engagement et la volonté de l’enfant à travailler sur l’objectif.
La tâche de la solution peut consister à demander à l’enfant de viser le numéro au-dessus sur l’échelle. Elle peut consister aussi à choisir un « jour miracle » et à se souvenir de ce qui est différent ce jour-là. L’enfant est invité à rendre compte de la tâche lors de la séance suivante.
Utiliser le dessin pour le « message solution »
Le thérapeute écrit et dessine sur du papier les éléments du « message solution » pour l’enfant. Il énumère les qualités de l’enfant. Ce message peut souligner par exemple le courage de l’enfant à partager ses émotions avec le thérapeute et sa créativité à parler de choses qu’il pouvait faire au moment des exceptions, qu’il était coopératif, réfléchi et disposé à dessiner et à parler de son objectif. L’enfant et le thérapeute peuvent dessiner chacun une image de ce à quoi pourrait ressembler cette solution. Il demande à l’enfant d’observer ce qui se passera de différent pour en parler à la prochaine séance.
Utilisation de marionnettes pour le message solution
La marionnette de l’enfant est félicitée et encouragée pour avoir parlé de ses difficultés et pour sa volonté de jouer son miracle. La marionnette du thérapeute félicite l’enfant pour son succès dans la réalisation de certains de ses miracles comme indiqué par les exceptions. La tâche peut consister à prêter attention à ses sentiments et de remarquer les choses qu’elle fait à la maison ou à l’école qui l’aideront à monter d’un chiffre sur son échelle de visages heureux.
Ensemble, la thérapeute et l’enfant écrivent le « message solution ». Ce message comprend les qualités de l’enfant (d’être coopératif, son désir de réussir à atteindre l’objectif…). Le message consiste aussi à féliciter l’enfant d’avoir su imaginer ses solutions. Le thérapeute écrit la cote suivante sur l’échelle et demande à l’enfant de remarquer quand il passera une journée comme ça. Ils en parleront lors de la séance suivante.
6) Séances suivantes
Les séances suivantes commencent par rappeler l’objectif comme indiqué précédemment. Il s’agit ensuite de déterminer ce qui est différent ou meilleur pour l’enfant depuis la dernière session , ou de noter comment l’enfant à fait pour éviter que les choses s’empirent.
Les questions visent à fournir des détails sur ce qui est différent ou meilleur pour l’enfant. La mise à l’échelle est utilisée pour établir une base de référence des progrès et de ce qui doit se produire pour passer au chiffre suivant le plus élevé sur l’échelle.
La question miracle est répétée si le thérapeute détermine que cette étape sera utile.
Utilisation du dessin pour les séances suivantes
Le dessin permet à l’enfant de dessiner ce qui est meilleur ou différent.
Les marionnettes pour les séances suivantes
Les marionnettes permettent à l’enfant et au thérapeute de faire un jeu de rôle sur ce qui s’est passé depuis la dernière séance et sur ce que l’enfant peut faire pour monter sur l’échelle. Comme décrit précédemment, un « message solution » est donné à l’enfant qui établit les bases de la prochaine séance.`
Conclusion
La thérapie orientée solutions est pertinente pour travailler avec les enfants. Les techniques de créativité, dessin ou jeu avec des marionnettes facilitent le processus. Des ajustements doivent peuvent être effectués en fonction du niveau de développement de l’enfant.
Le thérapeute veille à formuler la question miracle de manière à ce l’enfant parvienne à s’imaginer ou visualiser concrètement ce qu’il ferait, dirait ou ressentirait si le miracle se produit.
Les exceptions sont un concept difficile à expliquer aux jeunes enfants, qui restent concentrés sur le présent. Le thérapeute peut s’appuyer sur le récit des parents concernant les moments où l’enfant a vécu une partie de son miracle, pour jouer ces différences avec les marionnettes comme un moyen de la modélisation et d’expérimenter ces « morceaux de solution ».
Il est important que les objectifs comportementaux que l’enfant choisit soient bien compris, précis, spécifiques et mesurables afin d’avancer vers sa solution.